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Le musée, lieu d’histoire ou de mémoire ? 16 février, 2011

Posté par francolec dans : Non classé , ajouter un commentaire

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Un personnage-symbole controversé

au Centre d’histoire de Montréal: l’amiral Nelson

J’étais récemment invité par Yves Bergeron, muséologue bien connu dans le milieu et directeur du programme de muséologie à l’UQAM, à présenter quelques idées sur la relation entre le musée et l’histoire, devant des étudiants du cours Le musée et les pratiques du discours historique. Voici brièvement quelques aspects de mon propos à ce sujet. Pour ceux qui veulent approfondir cette relation entre l’histoire et la médiation culturelle dans une perspective québécoise, je suggère de consulter le superbe numéro de la Revue d’histoire de l’Amérique française de 2003 sous le titre :    L’histoire « publique » : un enjeu pour l’histoire (http://www.erudit.org/revue/haf/2003/v57/n1/index.html).  Un questionnement qui mériterait de pénétrer dans nos musées d’histoire. Je m’en sers dans les lignes qui suivent.

 

 Je suis historien et muséologue de formation.  Ces professions en apparence complémentaires font appel à des démarches et des logiques très différentes qui rendent leur conciliation plus difficile qu’il n’y paraît pour les profanes.  L’historien travaille avec un appareillage de type scientifique qui légitime sa démarche : hypothèse, territoire de recherche bien défini, examen attentif et critique des sources, système de références, exposition des thèses et hypothèses, débats et remises en question d’interprétations, publications pour ses pairs, validation par ses pairs etc. Il doit garder avec son objet d’étude une certaine distance. Au musée, si l’historien joue encore un rôle important, à certains moments, pour valider certains aspects de ce grand récit muséographié (le scénario, les textes surtout), c’est à titre accessoire. L’historienne Joanne Burgess écrit ainsi, dans le numéro de la Revue d’histoire de l’Amérique française cité plus haut, que l’historien en est souvent réduit « à un rôle d’évaluateur externe, intervenant en fin de parcours pour commenter ou corriger des visions du passé conçues et articulées par des professionnels sans véritable formation ou expertise en histoire. » 

Au musée d’histoire, c’est en effet le muséologue et le muséographe qui recréent l’histoire qu’on y raconte. Non pas qu’ils la trahissent, mais en la traduisant dans un langage multimédia, ils la transforment, ils y introduisent une multiplicité de sens, l’offrent à toutes sortes de lectures, lui impriment ses valeurs et sa vision du monde.  Leur travail consiste à mettre en scène l’histoire par ce grand récit qu’est l’exposition, de manière accessible, sensible et séduisante, qui suscite l’identification du visiteur: textes, images, objets, mobilier, espace, interactifs, multimédia etc. Le muséologue, même de formation historienne, doit donc maîtriser avant tout l’art du récit, comme le ferait un cinéaste ou un metteur en scène de théâtre. Il doit être capable de créer un univers de sens cohérent et enveloppant à partir de connaissances historiques disparates, fragmentées, pleines d’inconnues et de nuances, conçues dans un cadre scientifique tout autre et ce, sans pouvoir en exposer (par choix ou nécessité) les subtilités, les débats, les outils et les contradictions. 

 

Le musée d’histoire comme institution et média, est un lieu hybride où se rencontrent et se recomposent mémoire collective et histoire savante en s’amalgamant et se reconstruisant sans cesse, au gré des sensibilités de leur époque.  L’historien Jean-Claude Robert donne de la mémoire une description qui décrit bien à mon avis, ce qu’est l’exposition d’histoire : « un processus de construction sociale auquel participent un grand nombre de personnes, provenant d’horizons intellectuels différents, et qui mêle témoignages, souvenirs et analyses rétrospectives. » Création sociale, création polyphonique, le musée d’histoire et l’exposition d’histoire le sont. Il ne faut pas s’en cacher, ni s’en désoler, même si cela a trop souvent comme résultat, selon l’historienne, des expositions offrant aux visiteurs « des lectures simplistes, réconfortantes et parfois dépassées de l’histoire du Québec ». 

Que le musée d’histoire soit un lieu de mémoire et d’identité, autant que de connaissance, cela ne doit pas mettre en doute son sérieux ni le respect qu’il a de la discipline dont il se réclame. Cette fonction sociale lui donne aussi une partie de sa légitimité publique et assure sa pérennité, comme en témoigne sa popularité auprès des visiteurs de musée. Elle lui permettrait aussi, s’il le souhaite, de changer les perceptions de ses contemporains sur leur passé et leur identité collective. Pour y arriver, comme le fait l’historien, il doit parfois être capable de confronter la mémoire collective. Le « musée  d’histoire » qui se réclame de l’histoire professionnelle et en cherche sa caution, tout en étant un lieu de mémoire, se retrouve donc devant le même dilemme des historiens vulgarisateurs décrit par Jean-Claude Robert: «se fera-t-il le grand prêtre de la mémoire ou son critique ? ».   

Jean-François Leclerc

Muséologue 

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