Montréal, une banlieue qui s’ignore? 16 novembre, 2012
Posté par francolec dans : Histoire,Identité , ajouter un commentaire
L’histoire au musée ne peut être une simple accumulation
de faits ni un récit chronologique neutre ou neutralisé. Outil de connaissance,
outil de compréhension, elle doit aider le visiteur à comprendre et à décoder
par lui-même ce qu’on lui raconte. Ce qui nous manque parfois, comme
muséographes, c’est un point de vue qui nous permettra d’organiser notre propos
muséal en conséquence. Or qui dit point de vue, dit hypothèse de travail,
jamais définitive, mais ouvrant à des questions et à des associations d’idées
inspirantes. Une de ces questions est celle de l’identité de la ville et de ses
particularités : qui sommes nous, qui étions nous et que sommes-nous
devenus. Ville des Amériques fondée par des Français et lieux de rencontre et
de vie de populations venues de partout, Montréal ressemble et se différencie à
la fois de ses sœurs nord-américaines. Mais comment?
Une publication toute récente pourra nous contenter : L’histoire de Montréal et de sa région, des pages essentielles qui affirment mais surtout interrogent notre perception de l’histoire montréalaise à partir des plus récentes recherches. J’ai commencé à la lire…on s’en reparlera dans 1600 pages!
En attendant, une chronique de Jean-Jacques Stréliski dans le journal Le Devoir nous permet déjà d’identifier quelques traits cette identité montréalaise, dont celui-ci. « Montréal est une ville qui se structure sur un modèle traditionnel et qui s’apparente davantage à un noyau villageois typé, de maisons de villages et de quartiers, dans lequel tout le monde cohabite en harmonie. (…) Mais on peut aussi se poser la question ; le rêve des Montréalais est-il urbain, ou les Montréalais ne sont-ils que des banlieusards en puissance ?».
http://www.ledevoir.com/politique/montreal/363736/questions-d-image-montrealitudes
L’histoire de Montréal lui donne raison. Le rêve de la banlieue est en effet inscrit très profondément dans l’évolution de la ville. En effet, depuis 1880, hors du petit noyau urbain initial (l’actuel
Vieux-Montréal) et de ses faubourgs très denses situés en bas de la rue
Sherbrooke, l’expansion de la ville fut motivée par la fuite des Montréalais vers
de logements plus salubres, de l’espace, de l’air plus pur et de la verdure qui
les feraient sortir de la ville industrialisée. La plupart des actuels
quartiers si identifiés à la montréalité urbaine, du Plateau jusqu’à
Montréal-Nord, furent créés par des promoteurs immobiliers qui, après avoir
acheté de grandes terres agricoles, vendirent aux urbains entassés dans la
basse ville, le rêve de la banlieue. Ces promoteurs créaient ensuite des
municipalités autonomes pour mieux financer les infrastructures, augmentant la valeur de leurs investissements, attirant ainsi encore plus de migrants de la ville, des campagnes et de l’étranger en quête d’un bout de terrain. Endettées, nombre de ces municipalités furent ensuite annexées à la Ville de Montréal.
Sur un territoire désormais urbanisé et densifié à partir de banlieues champêtre
d’une autre époque, les Montréalais d’une grande partie de l’île vivent
désormais en ville. Cela ne les empêche pas de continuer, comme il y a plus de cent ans, à rechercher et fuir à la fois
l’urbanité, en rêvant d’agriculture urbaine dans leur propre ville ou en
rejoignant les nouvelles banlieues développées sur le même modèle qu’en 1900
mais toujours plus éloignées. Comme dans la ville, dans l’inconscient de chaque
Montréalais, n’y a-t-il pas un côté rue et un côté ruelle ?
Jean-François Leclerc