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Hors de l’exotisme et des stars, point de succès pour les expositions grand public? 9 janvier, 2016

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Beaver Hall salle 2

Les musées de Montréal nous offrent régulièrement des expositions qui pourraient se classer dans deux catégories : les « stars de l’art » et « les trésors de ».  Les Montréalais – et les touristes – se précipitent pour voir les célébrités de l’art et du patrimoine mondial précédées par des décennies de marketing artistique et touristique.  Entre ces icônes mondialisées immédiatement compréhensibles – Monet, Picasso, Incas, Warhol et autres – et un art moins accessible ou des œuvres d’artistes nationaux ou locaux, le choix est facile.  Mais à n’exposer que des stars de l’art ou des civilisations auréolées de mystère, on renforce chez le public l’habitude de ne se déplacer que lorsque l’exotisme sous toutes ses formes passe en ville.  Ce faisant, le musée  néglige une dimension importante de sa mission, celle de mettre en valeur sa propre société.  Sans arbre généalogique de notre propre génie humain, il devient plus difficile de construire son identité propre et de créer, ici, un art fort et authentique. Les Européens et les Américains ne se privent pas de le faire, pourquoi pas nous?

Le Musée des Beaux-arts de Montréal, qui fait souvent dans le star system, a heureusement déployé depuis quelques années sa collection d’art québécois et canadien dans plusieurs salles d’un nouveau pavillon. Cette exposition est à la fois instructive, convaincante, attrayante et riche en découvertes même pour un amateur un peu connaissant.  Mais, on le sait, ces expositions en place pour longtemps ne font pas courir les foules. De plus, ils ne donnent qu’un aperçu très sommaire et parfois injuste des artistes représentés. De plus, le budget de promotion va ailleurs, et c’est compréhensible.

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Cette fois, le MBA met en vedette un groupe d’artistes en majorité anglo-canadiens dit du Beaver Hall, présenté sous le titre (malheureusement flou et confondant)  « La couleur du jazz ».  Ce groupe, quoiqu’éphémère, a rassemblé de  grands artistes, dont un grand nombre de femmes artistes. On est loin des audaces modernes d’outre-Atlantique et de sa bohème libérée qui osent casser les moules, mais les artistes qu’on nous présente ont su créer des œuvres fortes et inspirantes. L’exposition, qui structure le parcours selon les thèmes et sujets représentés, est riche en notes biographiques, stylistiques et avec de nombreuses références au contexte social de l’époque.

HewardBeaver Hall 2

La mise en scène est agréable et parvient à éviter la monotonie, malgré une muséographie assez classique qui se permet néanmoins de créer des contrastes d’une salle à l’autre. Le clou de l’exposition est d’ailleurs à mon avis, l’avant-dernière salle, toute peinte en noir, où une succession de portraits – le plus souvent des sujets féminins, devient une véritable fête de couleurs et de formes. Par leur nombre et leur qualité, les tableaux démontrent une grande maîtrise picturale et formelle et un souci de décrire la condition sociale des sujets. 

Beaver Hall salle

J’ai cependant regretté qu’on passe sous silence (à moins que j’aie manqué cette référence) le fait que le monde artistique montréalais de l’époque est très clivé, artistes anglophones et francophones  vivant dans des univers séparés, et sont certainement issus de milieux aux conditions sociales très différentes. Il faut se tourner vers l’exposition permanente pour le savoir, sinon, sur des sites plus spécialisés comme  celui du Musée des Beaux-arts du Canada.

http://cybermuse.gallery.ca/cybermuse/enthusiast/thirties/content_f.jsp?chapter=0  

On y mentionne par exemple que dans le groupe,  seul l’artiste Edwin Holgate parle français et fait le pont entre les deux sociétés. À la fin des années 1939, un autre groupe, majoritairement anglophone mais suivi par des critiques francophones, la Société d’art contemporain, fut formé pour, entre autres,  rapprocher des artistes francophones et anglophones autour d’une autre idée de la modernité.  Ce bel idéal ne survivra pas aux audaces d’un de ces membres, Paul-Émile Borduas, et à son Refus global (et ses collaborateurs), profondément canadien-français (québécois) dans son propos et ses  révolte contre un état de soumission et de domination de son peuple. Sans rien enlever au projet de valorisation de l’exposition et à une certaine image d’unité de l’art canadien qui s’en dégage, cela  aurait certainement permis de mesurer les limites des préoccupations sociales de ces artistes du Montréal bourgeois de l’époque.  Et on peut se consoler ou se désoler de savoir qu’encore aujourd’hui, tout en étant un incubateur culturel extraordinaire, Montréal demeure une société qui dans certaines milieux, demeure clivée culturellement, audelà des apparences. (Voir par exemple sur Arcade Fire http://blogues.lapresse.ca/brunet/2014/08/31/arcade-fire-et-le-montreal-franco/)

 

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Saluons les organisateurs de cette exposition d’avoir réuni enfin un corpus important des œuvres du groupe et de les promouvoir avec des moyens dévolus aux expositions majeures, grâce aux outils de communication et de marketing bien rodés du MBA.  La présence d’une foule nombreuse semble démontrer que ce choix peut être profitable pour un musée ,et, certainement, pour la société dans laquelle il oeuvre!

Promenade estivale 3 – Les expositions dans des espaces non muséaux: Espace Création Loto-Québec 22 août, 2011

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J’aime bien les expositions qui habitent des lieux non muséaux.  Pour moi qui travaille dans une institution muséale, ces lieux inhabituels me semblent offrir un contact plus direct et accessible avec les œuvres.  Une promenade estivale m’a amené dans un de ces lieux, Espace Création Loto-Québec.  Mais c’est une galerie d’art, me direz-vous!  Oui, d’une certaine manière.  Pourtant, le public qui fréquente l’édifice en sait probablement peu de choses, la remarquant à peine en se rendant au travail ou en rêvant du gros lot qui changera une vie.  Rien des codes muséaux habituels, car l’espace se trouve en retrait, simple ouverture rectangulaire qui, sans la signalisation photographique bien présente, n’attirerait pas l’attention. http://lotoquebec.com/corporatif/nav/evenements-commandites/espace-creation 

Le commissaire a choisi une muséographie qu’on voit parfois dans les musées de civilisation ou d’histoire, mais rarement dans les musées d’art. L’exposition Entreprise collective présente les œuvres en grande partie québécoises tirées de collections privées d’entreprises dans un décor réaliste de bureau.  Elle est fondée sur une enquête audio-visuelle de Nicolas Mavrikakis sur la constitution de ces collections.  Demies cloisons, meubles fonctionnels occupés par la paperasse, les ordinateurs, les stylos et autres objets typiques – tasses, photos de famille.  Même le préposé de la galerie se fond au décor avec son bureau semblable aux autres. L’effet est si trompeur que l’ami qui m’accompagnait a d’abord rebroussé chemin, croyant être entré dans un…bureau de grande entreprise! 

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Si la surchar ge voulue de ce décor écrase un peu les œuvres, son cloisonnement, ses racoins si peu habituels dans les musées permettent de fureter à notre guise et de s’approcher des œuvres au-delà des distances normalement permises, le nez collé sur les vitres s’il le faut (il y a certainement quelques part des caméras tout de même?). Des Suzor‑Côté, Riopelle, Warhol, Pellan, Hurtubise, et de très nombreuses oeuvres d’artistes contemporains ont satisfait mes goûts éclectiques. Le plaisir d’avoir l’impression que tout cela est à notre disposition et nous appartient, ou presque, l’espace de quelques minutes.  Avant de retourner malheureusement dans de véritables bureaux où on rêverait presque de travailler.

Jean-François Leclerc

Muséologue

Centre d’histoire de Montréal 

Promenade estivale 1 : Photographier, pour s’approprier une exposition 17 juillet, 2011

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Voilà.  Le travail, les projets nombreux (dont Quartiers disparus, et 100 ans d’histoires. Raconte-moi Parc-Extension) ont laissé place aux vacances et à du temps pour, entre autres, visiter les expos des autres, pour laisser aller les idées, les impressions, les réflexions qui surgissent au gré des découvertes.

Plus que jamais, monsieur et madame tout le monde peut photographier tout et rien, à tout moment, sans préparation et, grâce aux téléphones, dans la plus grande discrétion. Pauvres gardiens de sécurité qui doivent exercer leur vigilance jusqu’à la crise de nerf.  Tous les visiteurs, aujourd’hui, sont des malfaiteurs en puissance.  Pour contenter son goût de souvenirs artistiques, il faut donc  jouer au délinquant candide, au risque de se faire apostropher plus ou moins gentiment comme lors d’une exposition rétrospective sur Louise Bourgeois au Centre Pompidou à Paris. 

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André Derain. Plage de Varengeville. Normandie. Musée des Beaux-Arts de Montréal

http://www.mbam.qc.ca/fr/provenance/oeuvre_262.html

Pour vous et moi, capter (sans flash, évidemment) un tableau, une sculpture ou quelques œuvres ou objet exposé dans un musée est un geste anodin mais important.  Cela nous permet de nous approprier un peu de l’œuvre, d’en rapporter un reflet imparfait et parfois même malhabile, de s’en inspirer, de s’en délecter au-delà des murs du musée et dans l’intimité de chez soi, ou encore d’en partager la découverte avec des amis.  Quelle meilleure manière de diffuser l’intérêt pour l’art et son histoire. 

Pour le quidam sans appareil sophistiqué  (la majorité d’entre nous), cet interdit de photographier des œuvres au musée nous rappelle une implacable réalité : une partie des grands trésors de l’humanité sont de propriété privée.  Mais comment alors, l’image numérique d’une œuvre prise par un visiteur pourrait-elle affecter de quelque manière le profit que son propriétaire pourrait en tirer?  Les droits les plus lucratifs ne sont-ils pas payés par les petits et grands médias, les institutions privées et publiques qui ne pourraient les contourner sans risque pour leur réputation et leurs deniers?  Le message de l’interdit vaut-il plus que les intérêts qu’il recouvre : ceci est une propriété privée?

Il ne s’agit pas ici de contester ce fait et les quelques risques réels mais limités de voir diffuser une image captée par un appareil professionnel). Il s’agit d’en souligner l’impact sur l’expérience du visiteur. Comme je le notais dans un blogue précédent sur nos comportements de consommateurs, versus de visiteurs de musée, le magasin a l’avantage d’offrir la possibilité de s’approprier l’objet de ses rêves et de ses désirs (moyennant quelques deniers!). Ce qui n’est pas le cas au musée, à moins qu’on se contente d’une publication, d’une carte postale ou d’une reproduction. Dans tous ces cas, le plaisir de la possession est reporté et se consomme avec un arrière-goût de saveur artificielle.  Lors d’une visite au Musée des Beaux-arts de Montréal en compagnie d’un ami qui n’apprécie par particulièrement la mode , je lui ai proposé de voir la collection permanente.  Bonne idée.  J’ai réalisé que le musée procédait à une rotation des œuvres, et surtout, qu’il avait intégré à sa collection des œuvres prêtées…qu’il  était permis de photographier!!! Dire que je me contorsionnais pour passer inaperçu.  Me voilà comblé et enfin possesseur de mes coups de cœur. Suite au prochain blogue!

Jean-François Leclerc

Muséologue

Décoder le murmure des villes : London en Ontario 14 avril, 2011

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Le Centre d’histoire a pour mission de donner des clés de compréhension de la ville. Mais quelles clés, en fait, sont-elles nécessaires?  Pour un Montréalais de naissance comme moi, la réponse n’est pas si simple, car comme mes concitoyens, je n’ai pas besoin de la décoder. La ville, c’est mon quotidien, mon travail et mes loisirs, mes relations.  Ma ville est donc plus celle que je vis que celle que je vois. Mon quotidien lui donne une apparence de sens, de globalité, indépendamment de la réalité géographique et physique de mon parcours.  Comme citadin familier avec mon environnement urbain, rien ne m’y semble vraiment aberrant ou incompréhensible.    J’assistais cette semaine à un congrès de l’Association des musées canadiens à London, en Ontario, où on nous décernait le prix Excellence en éducation, pour notre activité Vous faites partie de l’histoire, destinée aux adolescents, nouveaux arrivants, en classe d’accueil et de francisation. Le thème : Évoluer ou disparaître, au titre plus provocateur que le congrès lui-même.  (Je baigne trop dans les questionnements muséologiques pour être impressionné, dois-je avouer!)  À London, comme étranger dans une ville inconnue, j’ai vécu ce que vivent probablement bien des étrangers et touristes de passage à Montréal et dans toute ville.  D’abord, les images préconçues : on s’attend à une petite ville ontarienne, au passé très, mais très britannique.  On s’attend à y trouver le style victorien, une population blanche et plutôt réservée, sans coquetterie particulière.  C’est vrai… c’était  vrai, ça l’est encore un peu, tout dépendant de ce qu’on veut voir et remarquer.  Une fois sorti de la gare, en ce printemps frileux, en marchant vers l’hôtel, puis lors de promenades dans le centre-ville, London en son centre nous lançait pourtant des messages tout à fait contradictoires, déroutants, un peu tristes, comme toutes les villes nord-américaines jadis en déclin et modernisées sans vision peuvent le faire.  Peu de bâtiments victoriens au centre, mais des terrains vacants, des stationnements et des édifices utilitaires qui les ont remplacés, des centres d’achat, hôtels, tours à bureau et d’habitation sans charme, ni beaux ni laids, neutres. Ici et là, quelques imposants édifices institutionnels de pierre taillée construits au milieu du 20e siècle, entourés de grands terrains gazonnés,  de grandes avenues que rien ne semble justifier à première vue.  Des vides, des vides, des vides, et des bâtiments hétéroclites entre les vides, quelques parcs sans personnalité jusqu’à un quartier de belles et grandes demeures à l’anglaise qui surgit tout à coup.    

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Le règne de Victoria qui a tant marqué les débuts de la ville peuplée par des colons et des soldats britanniques, n’est plus.  À sa place, un espace hybride, fait de placide beauté et de désolant abandon, qui ne semble plus tenir compte ni de l’histoire et de la logique de son développement, ni de sa topographie. On ne sent plus le développement organique, du centre vers la périphérie, mais une désorganisation imposée, mélange de fatalité économique, politique et de mauvaise planification urbaine.  Combien de villes en ont pâti…Le bâti de London me paraît comme un mélange un peu désordonné de la sévère supériorité classique des bâtiments gouvernementaux d’Ottawa ou de Québec, de la coquetterie rouge brique de certaines petites villes industrielles à l’anglaise, comme Saint-Jean-sur-Richelieu, de l’environnement sans âme de l’urbanisme de centres d’achat de Sainte-Foy, de la froide modernité du campus de l’université Laval à Québec, et enfin, des zones déstructurées de Montréal comme certains coins de Pointe-St-Charles, de la petite Bourgogne ou de Saint-Henri. Beau mélange! 

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Comme dans toutes les villes, ce sont les habitants qui donnent aussi le ton, malgré tout.  Ici, par les rares contacts, j’ai senti qu’ils sont cordiaux et vous font sentir un peu moins étranger (c’est d’ailleurs ce que me disait une serveuse d’un restaurant indien venue de New Delhi à London : ici, les gens nous connaissent, nous saluent, ne nous traitent tels des étrangers comme à Toronto…).  Ces impressions vraies ou fausses provoquées par le paysage urbain du centre-ville et les premières rencontres sont pour bien des voyageurs le murmure presque incompréhensible de la ville. Sans interprètes pour le comprendre, il peut donner lieu à bien des méprises. En exprimant mon étonnement à une congressiste originaire de cette ville et en glanant quelques informations ici et là, ces murmures se sont transformés en mots. La ville a souffert du départ de quelques industries majeures (comme Kellog’s, attirée jadis par le bas prix du sucre au Canada), du développement des centres d’achat de banlieue qui ont tué les rues commerciales (rappelez-vous de la charge de Dédé Fortin et des Colocs contre eux), d’une négligence parfois volontaire de son patrimoine (des incendies criminels), d’une absence de planification urbaine. (Heureusement, il semble qu’un comité d’urbanisme ait été mis sur pied et qu’une société d’histoire bataille ferme pour préserver ce qui reste.)  Cette expérience commune à tous les voyageurs me donne une belle piste pour aborder dans notre centre d’interprétation de la vie urbaine.  Pourquoi ne pas amorcer la découverte de nos visiteurs en leur faisant dévoiler leurs perceptions, afin de mieux dénouer leurs vérités et faussetés, une à une, jusqu’au noyau dur de l’identité de la ville?      

Jean-François Leclerc 

Muséologue 

Muséologie cubaine et perplexité touristique 15 mars, 2011

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On ne va pas à Cuba pour ses musées, mais difficile pour un touriste de ne pas s’y retrouver au moins une fois, question de couper un peu le farniente du tout compris. Cette fois, le MUSEO FARMACÉUTICO et le MUSÉE PROVINCIAL DE MATANZAS. Matanzas est une petite ville dortoir (selon une cubaine de l’endroit), située entre Varadero (à quarante minutes) et La Havane. Autrefois favorisée par l’économie sucrière, elle est aujourd’hui un peu endormie, mais un touriste ne s’en plaint pas. La ville est sympathique, on s’y promène sans susciter aucune curiosité comme si on en faisait partie.

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Le musée pharmaceutique à Matanzas
Le musée pharmaceutique est un objet rare créé au 19e siècle et pratiquement inchangé depuis, tant dans son architecture que son mobilier, son aménagement intérieur, ses produits, instruments et contenants. Voyons ce qu’en raconte le Petit futé : « Officine fondée en 1882 par Ernest Triolet, praticien français, et Dolorès Figueroa, première pharmacienne du pays. Ce couple franco-cubain tenait là l’une des plus belles pharmacies du pays, qui fermera ses portes en 1963 et sera transformée en musée en 1964 ; l’un de leurs fils occupera le premier poste conservateur. » La nièce du fondateur sera la muse du poète Aragon, Elsa Triolet. La visite était guidée par une sympathique dame de cette ville qui, de manière assez sommaire, déclina l’histoire du lieu et décrivait les objets du lieu, sans plus.

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Le musée provincial avait aussi ce caractère étonnant d’un lieu figé, avec une muséographie d’un autre âge misant sur des objets vaguement regroupés dans des salles thématiques. Il semblait évident que ce musée avait été formé par des sociétés savantes comme on en connaissait dans toutes les colonies au 19e siècle, formée de colons ou de nationaux qui, selon leurs intérêts scientifiques collectionnaient des objets rares, des reliques historiques, des coquillages et autres spécimens de la faune locale, du mobilier ancien et même, le corps momifié naturellement d’une femme décédée de tuberculose (je crois) et inhumée dans un cimetière dont le sol l’aurait naturellement embaumée. Une très jeune et pimpante guide en uniforme blanc et rouge nous accompagnait. Elle avait mémorisé trois ou quatre informations qu’elle nous transmettait et dont il ne fallait pas la distraire. Une guide plus âgée vint prendre la relève, mais en dépit de sa gentillesse, nous servit aussi un propos très descriptif et sommaire.

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Tout de même, quelle chance d’être par ces guides en contact avec des « vrais » Cubains qui, sans hésiter, vous parleront de leur vie quotidienne, de leur famille, de la ville, un contact irremplaçable quand on veut connaître un pays de manière plus authentique. C’est peut-être ce qui restera imprimé le plus fortement dans la mémoire d’un visiteur.
Si cet aspect de la visite est sympathique, les musées et maisons historiques que j’ai visités à Cuba au cours de 8 ou 9 voyages de vacances, me laissent toujours un peu perplexe. Pourquoi une mise en valeur si ancienne, parfois si négligée, si peu communicative et attrayante ? Quel est le rôle de ces institutions depuis la Révolution? On comprend qu’il y a d’autres priorités. Pourtant, la communication muséale n’est pas seulement affaire d’argent et de technologie coûteuse. Des dizaines de milliers de touristes entrent dans ces musées qui pourraient être des moyens formidables de faire comprendre l’évolution de cette société, le caractère de ses habitants et faire changer le regard de colonisateurs candides que les touristes du nord portent trop souvent sur ce pays qu’ils connaissent mal. Les guides seraient une des clés de cette communication. La question reste ouverte.
En attendant, on peut lire les articles d’Anik Meunier et d’Alain Caron, de l’UQAM, qui collaborent avec ce pays dans le cadre de projets de mise en valeur et de médiation du patrimoine bâti. En ce domaine, les projets et idéaux cubains pourraient inspirer nos urbanistes intéressés par la mise en valeur des centres historiques au profit des populations qui les habitent et pas seulement de ceux qui auront les moyens d’y vivre après leur restauration.

http://teoros.revues.org/84#tocto1n5

 http://lasa.international.pitt.edu/members/congress-papers/lasa2009/files/MeunierAnik.pdf

 

Jean-François Leclerc

Muséologue

 

L’histoire locale: pour que notre existence n’ait pas été vaine 25 décembre, 2010

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Le Centre d’histoire de Montréal organisait à la mi-décembre, l’atelier Raconte-moi ton Parc-Extension pour le quartier du même nom qui célèbre son 100e anniversaire en 2010-2011.

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Ce quartier montréalais fut développé à partir de 1907 par des promoteurs immobiliers pour attirer les familles ouvrières au nord de Montréal.  D’abord habité par des immigrants britanniques et d’Europe de l’est, et quelques canadiens-français, il vit arriver après la Deuxième guerre mondiale des immigrants d’Europe du sud, en particulier de Grèce, qui seront remplacés peu à peu par des résidants du sous-continent indien.  Cet atelier était destiné à initier les citoyens aux diverses manières de communiquer leurs connaissances et leur expérience du quartier : entrevues avec des proches et voisins, scrapbook, ligne de temps personnelle, vidéo etc.  Des résidants anciens et récents de diverses conditions et langues s’y sont retrouvés avec plaisir pour travailler à une ligne de temps où leur perception de leur histoire personnelle venait s’insérer dans celle des moments clés de l’histoire du quartier. 

 On peut déjà faire quelques observations. Dans un quartier relativement tranquille, la mémoire des résidants  se cristallise souvent autour des moments de changement personnels importants : arrivée, débuts de l’installation et de la découverte du quartier.  Pour le reste, la vie familiale et le quotidien prennent le dessus et tendent à dissoudre la mémoire des événements dans la routine métro-boulot-dodo: difficile d’en démêler l’écheveau sans ces échanges soutenus de l’atelier et la stimulation par des dates, des images tirées des archives et des questions bien ciblées.  Autrefois, et encore maintenant dans plusieurs cas, la vie de quartier est vécue plus intensément au quotidien par les femmes (du moins aux époques où elles étaient plus à la maison). Cette quête de témoignages est d’autant plus importante qu’autrefois, dans les quartiers ouvriers, peu de gens avaient des appareils photos ou des caméras pour capter leur vie de quartier, comme le soulignait un participant.  

 http://www.histoireparcextension.org/photos 

Aux historiens ou muséologues travaillant sur de grands territoires, des sociétés et des phénomènes collectifs, les recherches des sociétés historiques locales peuvent paraître un peu refermées sur elles-mêmes, avec le seul souci d’accumuler des données, de colliger des faits, des dates et des noms.  Si cette vision caricaturale et un peu hautaine rejoint parfois la réalité, elle méconnaît certainement le sens profond de ces actes patients qui construisent l’histoire locale par brindilles et grains de sable et explorent à la loupe l’évolution d’un territoire ou d’une communauté.  Les musées aux thématiques et territoires plus vastes s’en font rarement l’écho parce que cette histoire risque de n’intéresser que quelques résidants d’un quartier ou d’un village, à moins qu’elle ne touche un lieu devenu emblématique pour tous les Montréalais d’une époque, comme un rue commerçante ou un lieu de culture populaire.   Pourquoi alors accumuler dans le grand sablier déjà encombré de l’histoire ces micro-grains de sables ?  Une ex-résidante du quartier, membre de la Société historique, eut cette réponse éclairante (que je paraphrase): « Ma famille a longtemps vécu ici, j’ai depuis déménagé. Je veux par ce travail donner un sens à notre passage dans ce quartier, je veux prouver que nos vies n’ont pas été inutiles. » Donner un sens à l’existence des peuples, des communautés, des individus si modestes soient-ils, c’est certainement ce qui, profondément, motive la plupart de ceux qui travaillent à dénicher et à comprendre la grande comme à la petite histoire.   

Au-delà du besoin de connaître, c’est ce qui rend ce travail si émouvant et digne de respect.

Jean-François Leclerc

Muséologue

Aqua au Musée de la civilisation de Québec ou l’auteur masqué 21 novembre, 2010

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Le musée élabore par ses expositions et ses activités sa propre vision de notre monde. Il fait des choix thématiques, esthétiques et éditoriaux en tenant compte des contraintes matérielles qui ont aussi un impact sur son propos. D’une exposition à l’autre, il écrit un récit, le sien, et celui de la collectivité qu’il dessert, comme tout créateur, cinéaste, metteur en scène média. Mais rarement signe-t-il ouvertement ses créations ou du moins, expose-t-il ses valeurs et ses partis-pris. Candidement, il laisse croire que, par son entremise, le visiteur aura un accès direct et non médiatisé à la connaissance. Or la réalité est plus complexe et subtile.

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Source:  http://www.onedrop.org/fr/projects/projects-overview/AquaNorthProject/Aqua/Touring.aspx

Il y a quelque jours, au Musée de la civilisation de Québec, j’ai assisté au spectacle  AQUA : un voyage au cœur de l’eau dont « les projections à 360 degrés, la musique, les effets visuels et les installations d’eau – l’eau est entièrement recyclée – les transportent dans une aventure où ils sont à la fois acteurs et spectateurs », comme le mentionne le site du musée. Même si le sujet ne m’attirait pas particulièrement (que peut-on encore apprendre sur l’eau après 40 ans de combats écologiques), je serais un visiteur curieux disposé à être émerveillé et touché.

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 Source: http://www.carrefourdequebec.com

Le spectacle qu’on promettait immersif l’était effectivement, mais modestement en terme d’expérience et de technique. L’interactivité se résumait à porter une goutte de plastique lumineuse qui s’allumait ou s’éteignait au gré du récit (une bonne idée mais la goutte devenait un peu encombrante et inutile une fois le spectacle commencé). À un moment, la guide nous invitait aussi à glisser nos mains sur l’écran 360 degrés pour créer des vagues virtuelles (me reste un doute sur l’effet réel de nos agitations, puisque l’animation semblait déjà bien programmée). Un faux puits placé au centre de la salle laissait couler de l’eau, bien réelle celle-là, au rythme de la projection. Une narration bilingue, quelques titres, mots-clés et statistiques évoquaient l’accès de plus en plus difficile à l’eau dans bien des coins de la planète. 

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Source: http://www.cnw.ca/fr/releases/archive/May2009/13/c3577.html

Au cœur de l’espace circulaire, nous étions plongés, c’est le cas de la dire, dans une succession d’images numériques d’eau en mouvement – au-dessus, en-dessous, dans les profondeurs, eau placide, troublée, agitée… Cette eau virtuelle était si pure, si bleue qu’on n’y trouvait pas trace des impuretés organiques de nos eaux trop terrestres. Cette image idéalisée se muait parfois en cloaque gris et brunâtre, tout aussi univoque, pour dramatiser les mises en garde sur la rareté de la ressource. Des silhouettes d’enfants s’évanouissaient les unes après les autres dans un nuage de fumée, illustrant l’impact dramatique de la pollution humaine et industrielle sur la mortalité infantile. 

Au cours du spectacle d’environ 20 minutes, je fus effectivement immergé, comme l’annonçait le musée, dans un sentiment de…vide! Cette production léchée aux messages convenus avait toute l’allure d’une publicité humanitaire.  Elle tranchait avec le souci habituel du musée de la civilisation d’expliquer, de débattre et de comprendre. Mon malaise n’était pas seulement une question d’humeur du jour. Le discret panneau de crédits le confirma : le spectacle était une production de la Fondation One Drop de Guy Laliberté, du Cirque du Soleil. Ce spectacle numérique présentait le même caractère universel, poétiquement apolitique, léché visuellement et neutralisé que l’esthétique du célèbre cirque. La Fondation One Drop avait assumé pleinement son message et sa manière de le transmettre. J’aurais aimé que le Musée l’annonce de manière plus…limpide.

Jean-François Leclerc

Muséologue

Un certain art contemporain : contestataire ou séducteur ? 28 octobre, 2010

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J’aime l’art de notre époque parce qu’il est de notre époque et ouvre nos sens et nos perceptions. Je fréquente le Musée d’art contemporain de Montréal, notamment ces fameux mercredi soir des portes ouvertes qui voient des centaines de jeunes et moins jeunes déambuler dans ses salles.

Mais là où un certain art actuel m’énerve souvent (le blogue est le lieu idéal pour exprimer ce genre d’énervement!), c’est dans sa prétention à contester le monde et ses apparences, à transgresser les codes, à dénoncer, à déstabiliser, à renverser, à douter, à jouer sur les codes, les interroger, à être irrévérencieux et tant d’autre termes qu’on retrouve inévitablement dans les catalogues qui accompagnent de nombreuses œuvres de ce type. La visite des expositions du Musée d’art contemporain autour des prix Sobey a provoqué chez moi le même sentiment. Je ne parle pas en spécialiste que je ne suis pas, ni en connaisseur des démarches artistiques patientes qu’une œuvre ne peut rendre à elle seule, mais en amateur intéressé, ayant quelques notions d’histoire de l’art et parfois éclairé, surtout, en visiteur que l’on invite à découvrir des œuvres, à lire et à voir ce qu’on en dit et qui peut donc dire ce qu’il en perçoit. Expliquons-nous.

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Première constatation : les thèmes à la mode. Il est toujours étonnant de constater que nombre d’artistes, lorsqu’ils épousent des causes, choisissent judicieusement les plus connues, les plus universellement identifiables et donc, les plus susceptibles (comme la langue anglaise) de traverser les continents et d’être comprises par le public et les collectionneurs: colonialisme , impérialisme, libération ou exploitation sexuelle, détournement commercial de la culture, déclin de l’homme et de l’humanité , écologie, violence faite aux minorités, aux femmes, capitalisme sauvage……. C’était le cas de la plupart des œuvres présentées au MACM, du moins s’il faut en croire les descriptifs du catalogue. Étrangement, leurs questionnements à prétention universelle se présentaient dans l’exposition sous des formes très léchées, propres, attrayantes par leurs bricolages audio-visuels inspirés de la créativité mécanique ou interactive des patenteux ou des inventeurs (le piano de Bernatchez, les rétroprojecteurs de Barrow) , dégageant le charme décoratif dont sont capables l’artisan, le décorateur et l’étalagiste (les céramiques classico-manga de Tang, les period room de Tam, les scènes naturalo-rupestres de Fernandes), ou brillant de l’intelligence toute spirituelle et la grande culture du beau parleur (l’arbre à la scie mécanique de BGL, les historiquement artistiques Bourgeois de Calais de Hannah). Luxe, calme et volupté… visuellement sensés nous ouvrir l’esprit et le sens critique. Tout ceci dans un pur écrin muséal qui transforme si souvent les cris artistiques les plus intenses en chuchotements de salon.

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Karen Tam, Adad Hannah, BGL,      http://www.macm.org/fr/expositions/88.html

La contradiction entre le médium et le message m’est apparue on ne peut plus évidente lorsque j’osai toucher une note du piano de l’installation de Bernatchez Goldberg Experience Ghosts Chorus . Ce piano branché à une quincaillerie en inox semblait pourtant attendre que les visiteurs lui impulsent une vibration pour que la machine artistique la transforme aussitôt en une troublante sonorité.

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 http://www.patrickbernatchez.com/project_GEGC.html

Un son sourd sortit effectivement du piano mais aussitôt, un autre plus audible de la bouche de l’agent de sécurité : « Ne touchez pas ! ». Involontairement, l’agent venait de confirmer mon intuition : malgré ce qu’en disait le catalogue, on m’avait invité moins à réfléchir qu’à être passivement séduit.

Jean-François Leclerc

Montréal et la mode ou le défi des expositions dans des lieux inhabituels – la signalisation 6 octobre, 2010

Posté par francolec dans : "expo quand tu nous tiens",Arts visuels,blogue exposition,blogue muséologie,Centre d'exposition Eaton,Commentaires expositions,expérience expositions,Exposition,Histoire de la mode,Mode,musée,Musée du costume,muséologie,opinions exposition , 1 commentaire

Nouvelle expérience d’exposition dans une galerie marchande.  Le hasard ou la nature du sujet lui-même, ont voulu que cette exposition soit présentée par le Musée du costume et du textile du Québec.  Le « Musée sort ses griffes » joli jeu de mots sur les pièces signées qui exprime aussi, j’imagine, la volonté de ce musée confiné dans une maison historique de Saint-Lambert sur la rive sud de Montréal, de sortir de ses murs et de…ses gonds.

 expomodeeaton22.jpg expomodeeaton212.jpg  expomodeeaton9.jpg

Le musée hors ses murs, voilà un défi stimulant comme je l’ai mentionné précédemment. L’exposition du Centre Eaton met en évidence par ses excès, peut-être, ce que celle à la place Ville-Marie faisait pas défaut, soit l’importance de se faire remarquer lorsque le lieu d’exposition est un espace surchargé de stimuli commerciaux et de déambulations pressées.  Le moyen?  Une signalisation qui joue non pas sur le dépouillement et le raffinement comme on pourrait s’attendre d’un sujet comme la mode des grands couturiers québécois, mais sur la saturation des signes, des couleurs, des mots.  De la porte aux allées, jusqu’aux colonnes, pas possible de la manquer.  Elle frappe fort, très fort. 

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Elle tapisse l’entrée, couvre une partie du sol, on la foule en montant les escaliers…L’exposition quant à elle prend place dans de belles vitrines, les vêtements sont installés élégamment, cela va de soit pour une exposition sur la mode, et dans certains cas, accompagnés de clips vidéos où les concepteurs de mode parlent de leur métier et de leurs créations. Chic et de bon goût, bien fait. 

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Est-ce que le public s’arrête ?  Lors de mon passage (un peu rapide, je l’avoue, une vingtaine de minutes), j’étais le seul à le faire. Comme tel, je me permettrai donc une opinion toute aussi solitaire en supposant qu’elle peut ressembler à celle d’autres visiteurs. La signalisation de l’exposition était finalement plus exubérante que l’exposition elle-même. Son graphisme multicolore et survolté avait peut-être le défaut de noyer le message de mots et de signes difficiles à décoder dans l’abondance de ceux qui encombrent les galeries marchandes. De plus, il manquait peut-être, comme je l’ai déjà signalé, un atout important pour nous orienter efficacement: une présence bien humaine pour nous accueillir, nous informer.

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 Après avoir franchi les portes du Centre Eaton sur la rue Sainte-Catherine, et avoir suivi pendant quelques mètres la signalisation sur le sol et sur les colonnes, je n’avais pu après quelques minutes trouver le début de l’exposition.  Que devais-je chercher ? Des panneaux ? Des vitrines ? Un lieu où serait concentré le mobilier d’exposition ? Des modules dispersés ? Sur laquelle des trois ou quatre mezzanines ? Perplexe, je revins sur mes pas pour aller au comptoir d’information.  « Madame, pardon, je cherche l’exposition ».  « Quelle exposition », me répondit-elle sans sourire. Je lui montrai la grande bannière qui surplombait sa tête.  « Ha.  Elle est plus loin, un peu partout. ». Sans plus. Mon intérêt pour l’exposition venait de diminuer et ce, malgré toutes les couleurs et tous les signes qui, sur mon chemin, avaient tenté de me convaincre. 

Jean-François Leclerc

Muséologue

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Mots et expos 5 septembre, 2010

Posté par francolec dans : "expo quand tu nous tiens",Arts visuels,blogue muséologie,Ecrits dans l'exposition,expérience expositions,exposition,Exposition d'histoire,muséologie,Objets,Visiteur , ajouter un commentaire

 vaseparfumvillavettiiverslanpompei.jpg Vase à parfum. Villa Vettii. 1er siècle.  Pompei

amulettegalloromainesitedesthermesdelugdunumruedesfargeslyon.jpg Amulette gallo-romaine. Site des thermes de Lugdunum, rue des Farges. 1er siècle. Lyon

Regardez les objets ci-haut. Comme le mentionnent les légendes, ce sont des objets du début du premier siècle de notre ère. Un trésor que j’aimerais bien posséder chez moi, des objets qui ont été utilisés par mes semblables il y a 2000 ans…

Voici d’autres objets tout aussi jolis mais moins chargés d’histoire.

vaseparfumvillavettiiverslanpompei.jpg Vase décoratif.  Céramiste Phaneuf. 2008. Québec

amulettegalloromainesitedesthermesdelugdunumruedesfargeslyon.jpg Pièce d’un jeu d’échec artisanal. Métal.  Origine inconnue. 20e siècle. Québec

Il a suffi de quelques mots pour donner un sens et une identité – fausses, à ces images que l’œil, à première vue, aurait pu décoder de mille manières. Le muséologue d’aujourd’hui est toujours tiraillé entre le souhait de contenter le visiteur de musée qui vient surtout voir et contempler et qui n’aime pas particulièrement lire. Le musée ne donne-t-il pas d’abord à voir ? L’idéal serait un musée sans texte mais qui, contrairement aux pratiques de la vieille tradition muséale si peu loquace, serait capable de donner sens à ce qui est vu, sans compter seulement sur la culture générale du visiteur, mais aussi de le contextualiser, de l’insérer dans la trame de connaissances forcément complexes comme l’est tout savoir. La télévision, le cinéma et la publicité ont développé cet art de communiquer de cette manière, pour le meilleur et pour le pire.

Comme le montre ce petit exercice, le texte (écrit, projeté, narré) demeure un incontournable de la communication muséale. C’est avec lui que se construit le scénario d’une exposition, c’est lui qui organise le propos, c’est lui qui donne un sens à l’exposition et à ce qu’on y montre.  Le visiteur ne s’y trompe pas et, malgré ses réticences, s’attend à lire. Il suffit de voir les foules agglutinées autour des longs textes d’introduction des expositions thématiques du Musée des Beaux-arts de Montréal pour s’en convaincre. Dans les musées d’art, quelques panneaux suffisent à camper le sujet et à orienter le visiteur dans sa contemplation d’œuvres mises en scène de manière plus ou moins élaborée. Dans les musées et les centres d’interprétation en histoire, l’affaire est plus ardue, car nul visuel ne pourrait témoigner à lui seul d’un événement ou d’un contexte. Il faut beaucoup de tact, de métier, d’art et d’habileté pour compenser par du texte ce que le regard ne saurait percevoir ou comprendre, sans briser le climat d’ensemble et rompre le charme de l’expérience qu’aujourd’hui, partout, on essaie de rendre la plus sensible et prenante.

Jean-François Leclerc

Muséologue

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