Promenades estivales 2 – Les expositions permanentes : Regarder de biais pour mieux voir 25 juillet, 2011
Posté par francolec dans : Arts visuels,Bloemaert,blogue exposition,blogue muséologie,Derain,Exposition permanente,Gainsborough,Histoire de l'art,Matisse,Musée des Beaux-Arts de Montréal,Peschier,Van Mol , ajouter un commentaireLa visite d’une exposition permanente n’apporte pas seulement le plaisir de voir défiler l’histoire de l’art à travers les tableaux d’œuvres grandes ou modestes des grands noms du panthéon artistique occidental. On ne peut se plaindre de voir des Matisse (Portrait au visage rose et bleu), un Picasso (Étreinte), un Karel Appel (Portrait de Sir Robert Read), et plusieurs autres noms bien connus de la révolution artistique du 20e siècle, sans oublier les Hurtubise et autres œuvres de la collection contemporaine ma foi très stimulante de la collection permanente du Musée des Beaux-Arts.
À mon avis, le véritable plaisir d’une fréquentation plus assidue de la permanente est de laisser le regard se perdre, comme ses pensées, dans les fonds des paysages, les détails, la manière, la couleur, la pose et l’expression, toutes choses qui ne se donnent pas à voir au premier coup d’œil d’ensemble, encore moins lorsque les tableaux ou les peintres n’ont pas reçu l’auréole de la sainteté plastique accordée aux vedettes mondialisées du pinceau.
Ainsi, on arrive à retrouver dans un Gainsborough, un coup de pinceau étonnamment moderne (un portrait du 18e siècle dont j’ai omis de noter le titre).
Ou s’ébahir devant la carnation onctueuse d’un christ déposé de sa croix (Pieter Van Mol, La déposition)
Ou s’accrocher aux fins détails du tableau moraliste (Vanité) d’un peintre inconnu (pour moi) du 17e siècle, N.L.Peschier, qui évoque les tableaux hyperréalistes actuels, des collages ou même des installations contemporaines. Ou bien, trouver d’étonnantes correspondances esthétiques entre un tableau baroque d’Abraham Bloemaert du 17e siècle (Rentrée de la moisson) et le célèbre Déjeuner sur l’herbe de Manet (années 1860), tant dans la pose que dans la composition du tableau (je vous laisse en juger).
La gratuité permanente de la permanente, c’est donc la possibilité de se laisser dériver doucement, à répétition, sans obligation de consommer les œuvres qu’on nous donne à voir temporairement et qu’il faut voir absolument, nous dit-on, avec tout qu’on nous en dit. On peut se laisser simplement regarder de biais petits et grands tableaux pour mieux voir, pour se mieux voir, pour nous mieux voir comme société créatrice de modes et chercheuse de nouveautés à tout prix. Parfois, cette nouveauté était déjà apparue, comme figurante, incognito et …de biais.
Jean-François Leclerc
Muséologue