Le faux portrait de Jeanne Mance ou les interprétations historiques au musée 7 mars, 2011
Posté par francolec dans : blogue muséologie,Histoire,Image au musée,Jeanne Mance,muséologie , ajouter un commentaireAujourd’hui, la Ville de Montréal annonçait son intention de reconnaître le rôle de Jeanne Mance, une Française venue en 1642 aux côtés du soldat Maisonneuve pour fonder Ville-Marie, fort missionnaire à l’origine de Montréal. À la télévision, on nous montra pour la représenter un portrait bien connu du personnage, à la mine soumise et éteinte, du genre vieille fille un peu coincée. Gravé au 19e siècle et tout à fait fantaisiste, ce portrait est en effet devenu officiel à force d’être repris. Il est toujours étrange de constater combien l’image ancienne échappe souvent à la critique qu’on applique pourtant aux écrits et aux photographies contemporaines avec plus de rigueur. Pourtant, toute image est porteuse d’un message qu’il serait bien de décoder (voir ce lien de la Bibliothèque et archives nationales à ce sujet.)
http://www.banq.qc.ca/ressources_en_ligne/branche_sur_notre_histoire/personnages/imagerie.html
Cette actualité commémorative me permet de faire une association télévisuelle peut-être un peu tirée par les cheveux, mais qui sert bien mon propos. Allons-y. À Télé-Québec, la semaine dernière, le premier de la série documentaire Bienvenue dans le nano monde faisait état des recherches récentes en nanotechnologies, notamment celles portant sur le carbone, un élément fondamental de notre planète. On y parlait notamment d’un microscope qui permet de voir la surface de la matière comme un fascinant arrimage de particules, ceci faisant permettant d’imaginer qu’un jour, les objets ne seront plus produits par l’assemblage de blocs de matière, mais atome par atome. Un des scientifiques fit cette observation: autrefois, la matière était représentée par des symboles (chimiques et autres) et des schémas. Les images de l’infiniment petit obtenues par ces microscopes donnent des images saisissantes et plus proches de la réalité que celles des publications d’antan. Bien sûr, elles sont imparfaites comme toute représentation, comme le souligne le chercheur, et peuvent être parfois trompeuses. Pourtant, disait-il, elles sont nécessaires. En effet, selon lui, les chercheurs, comme tous les humains, ont besoin de ces représentations pour concevoir de nouvelles idées.
http://www.telequebec.tv/documentaire/documentaire.aspx?idCaseHoraire=102035182§ion=presentation
L’exposition permanente du Centre d’histoire de Montréal
Le musée d’histoire agit aussi comme ce microscope, mais de manière beaucoup plus artisanale. Il assemble des fragments de connaissances et de concepts historiques parfois complexes pour reconstituer le passé, le rendre perceptible et sensible. Pour y arriver, il tente de constituer un récit continu qu’il veut lisible et cohérent, à partir de textes, d’images et d’objets très divers disposés dans l’espace muséal. En cherchant à donner au visiteur l’impression d’un récit continu, malgré les contradictions et les trous de la recherche historique, le musée propose ce faisant, des interprétations de l’histoire qui ne sont pas toujours en concordance parfaite avec celles des historiens spécialistes sur lesquels il appuie son travail. Qui prend le temps de les décoder ? Rares pourtant sont ceux qui se sont penchés sur ces questions, sinon peut-être ici, Claude-Armand Piché, anciennement de Parcs-Canada. Donc, appel à tous, chercheurs de toutes disciplines, la matière ne manque pas !
Jean-François Leclerc
Muséologue