L’appropriation identitaire: l’Impact gagne! 4 avril, 2012
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Dans le métro, depuis quelques temps, un panneau publicitaire compte un
but gagnant au chapitre de l’identité québécoise et montréalaise. L’objectif
qu’on peut deviner derrière cette campagne publicitaire semble évident : québéciser
et montréaliser le club de soccer L’Impact. On vise manifestement non seulement
ses fans, mais aussi la société montréalaise et francophone, qu’elle courtise comme
a su le faire le club Canadien depuis un centenaire.
Pari gagné, du moins sur panneau, et habilement. En apparence, les symboles sont
connus : la fleur de lys, le Mont- Royal, sa croix et son ange, le pont
Jacques-Cartier. Alors? Ces icônes identitaires sont campées dans un décor en apparence familier mais qui, en réalité, par certains
détails et d’évidentes déformations du paysage, les transportent dans l’univers
imaginaire d’une quête mythique, sous les atours médiévaux si populaires dans
les jeux numériques. Le profil de la montagne est accentué pour ressembler à un
mont européen coiffé d’un pic menaçant. La diversité culturelle montréalaise représentée
par les athlètes prenant des poses chevaleresques, s’affiche ici avec fierté,
et sans complexe.
Pensée pour faire la promotion d’un club sportif, cette publicité réussit à mon avis de manière
remarquable à associer visuellement la québécitude et la montréalitude à ce
sport moins familier aux Nord-Américain. Signe des temps? Une publicité réussie
exprime parfois des phénomènes émergents avant qu’on puisse les percevoir.
Jean-François Leclerc
Le métissage culturel, mode réalité ou mythe culturel? 22 mars, 2012
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Pour un musée d’histoire, la question de l’identité est une incontournable question qu’on doit poser au
récit muséal. Plus qu’une suite de faits et de dates, c’est ce qui permet de
sous-tendre un récit qui lui-même peut à son tour questionner celui à qui il
est destiné.
Il n’est pas facile de cerner l’identité de la métropole du Québec. Multiple, distincte et partageant
pourtant les traits de nombreuses grandes villes nord-américaines et
occidentales. Diversité culturelle, vie culturelle intense, cohabitation de
groupes diversifiés, deux cultures et langues fortes, innovations et marges, et
quoi d’autre encore qui ne soit partagé par toute ville de dimension et d’un
dynamisme similaire. La réponse n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît.
La référence à la multiethnicité de la ville comme trait
distinctif au Québec en est un bon exemple.
On l’invoque souvent en parlant de métissage culturel, un phénomène
qu’on aime bien associer à la modernité. La culture, notamment musicale, est
peut-être ce que le contact entre des cultures a pu donner de plus beau. La musique traditionnelle québécoise avec ses
fortes influences celtiques en est un bon exemple.
Une histoire de domination?
Il faut cependant constater que, historiquement,
le métissage culturel profond vient rarement d’un simple contact léger et
persistant entre plusieurs cultures. Le territoire, le climat, l’environnement
peuvent aussi provoquer des modifications importantes des cultures (la culture des
Français immigrés en Amérique en témoigne, dès l’époque de la Nouvelle-France).
Dans ce cas, le transfert culturel sera probablement superficiel, chacun
conservant ses habitudes, ses traditions, quitte à faire quelques emprunts
culturels ou culinaires, les intégrant ponctuellement à ses propres pratiques.
Lorsqu’il marque la culture d’un territoire ou d’un peuple, le métissage découle
souvent de contraintes diverses et d’oppressions plus ou moins subtiles,
qui par la force, la loi, la persuasion, la domination culturelle, économique,
l’éducation nationale, la mode, les unions légales, libres ou forcées, impose à
divers groupes une cohabitation et une fréquentation obligée en les
marginalisant ou en les dominant. Pensons à ce qui a donné naissance à la forte
culture noire américaine et à la culture mexicaine fortement influencée par le
monde autochtone, ou encore à la culture
brésilienne, sans oublier la culture québécoise, si marquée – qu’elle le
reconnaisse ou non – par la culture britannique et par l’américaine..
Montréal, ville divisée ou creuset d’une nouvelle culture?
Dans le cas de Montréal, peut-on parler de métissage qui prépare la naissance d’une nouvelle culture? Si les
frontières d’antan sont devenues plus perméables, on aurait probablement du mal
à identifier clairement comment et où se joue ce phénomène qui, en d’autre
pays, est créateur de cultures spécifiques et originales. Oui, chaque groupe
apporte ici ses traditions et ses manières d’être mais elle les vit surtout au
quotidien dans l’intimité de son foyer, de sa famille, de ses associations. Quelques points de rencontre urbains mettent
en contact les uns et les autres de manière pacifique mais superficielle; des centaines
de restaurants font goûter les traditions du monde, la musique du monde se
diffuse partout. Mais peut-on parler d’influences culturelles réciproques? Comment
les cultures immigrantes bien vivantes, visibles de Montréal ont influencé
durablement celles de la majorité, hormis les traditions culinaires et la
couleur de leurs fêtes? Parfois, l’architecture a été modifiée, adaptée aux goûts des uns et des autres, comme
le duplex à l’italienne ou à la portugaise, mais pour le reste, quelle trace,
quelle influence profonde? Il ne s’agit pas de nier l’apport des uns et des autres, il s’agit de porter les questions
sur le métissage culturel au-delà de clichés sympathiques. Le véritable
malaxeur des cultures ne serait-il pas la culture de consommation de masse,
fortement marquée par les modes de consommation américaines mondialisée depuis
des décennies?
La question du métissage culturel et de la place de Montréal dans ce phénomène au Québec reste à mon avis une
question ouverte qui demanderait plus d’attention, au-delà du slogan
touristique, car elle porte une partie de la réponse sur l’identité de la ville
et sa spécificité.
Jean-François Leclerc
Muséologue
À quoi sert l’histoire…dans les musées d’histoire? 3 janvier, 2012
Posté par francolec dans : Exposition d'histoire,Fabrique de l'histoire,Fecteau,Foucault,muséologie , ajouter un commentaireUn livre dont j’avais entendu parler m’est tombé dans les mains il y quelque semaines, au gré d’un furetage dans une bibliothèque publique. « À quoi sert l’histoire aujourd’hui », un ouvrage collectif sous la direction d’Emmanuel Laurentin, rassemble les réponses d’une quarantaine d’historiens et d’historiennes à la question du titre. Leurs courtes et riches réponses nous rappellent, à nous des musées « d’histoire », qu’il ne suffit pas d’affirmer de manière convenue la nécessité de l’histoire dans la construction nos sociétés, pour développer une réelle intelligence de notre rôle en ce domaine, comme institutions reliées de près (et peut-être de trop loin), à cette discipline. « Le passé est l’ailleurs de l’historien. Comme les contrées lointaines, cet ailleurs combine les charmes du dépaysement et une puissante valeur instructive. On y apprend que là-bas tout n’est pas comme ici. Lorsque le passé prend une figure trop familière (on parle alors de patrimoine), il revient à l’historien de s’en dé-familiariser, de chercher à retrouver son étrangeté, sa radicale altérité.». S’exprime ainsi Judith Lyon-Caen, une historienne qui étudie les usages sociaux de la littérature dans la France contemporaine. (p. 27) Le passé comme altérité.
Voilà une constatation de ceux qui « fabriquent » l’histoire avec des outils scientifiques qui devrait nous déranger sans cesse, dans notre travail de communication de l’histoire. Je l’ai souvent souligné, et c’est une évidence qui a des bons côtés, nous visons à l’époque où les musées dont des médias qui cherchent à convaincre et à émouvoir en rendant le passé familier, reconnaissable, facile à comprendre. Ce faisant, nous tendons parfois à gommer, volontairement ou non, les aspects qui semblent trop éloignés des valeurs et des repères des contemporains. Que l’on pense à l’interprétation que font de la fondation missionnaire de Montréal les musées d’histoire, incluant mon institution. S’il est difficile de cacher les motivations religieuses des fondateurs, il demeure de plus en plus ardu de faire comprendre leur mysticisme, alors que les codes religieux autrefois compréhensibles sont devenus aux jeunes générations aussi étranges que les rites de sociétés anciennes aujourd’hui disparues. On préférera donc raconter une histoire laïcisée d’entrepreneurs coloniaux pragmatiques et généreux, sans s’attarder sur ce qui fut le moteur de leur courage comme de leur analyse erronée de ce nouveau monde et des sociétés autochtones. Mes échanges ponctuels avec Jean-François Royal, directeur du Musée des religions du monde de Nicolet, confirment que l’univers religieux si familier d’il y a trente ou quarante ans, est devenu totalement autre et incompréhensible pour la jeunesse contemporaine. C’est à ce phénomène aussi nouveau que troublant que ce dynamique et créatif conservateur se heurte dans son travail de mise en valeur des religions.
Si cette étrangeté nouvelle du phénomène religieux traditionnel se constate aisément, Québec, l’altérité de bien des aspects du passé québécois est moins facile à déceler, tant la télévision comme d’autres médias en ont dressé un portrait adapté qui nous semble à première vue si proche. Dans l’article, « La troublante altérité de l’histoire. Réflexion sur le passé comme « Autre » radical. », (RHAF, vol.59, no.3, hiver 2006), l’historien québécois Jean-Marie Fecteau, soulignait le risque que présente ce besoin de trouver dans le passé de repères identitaires et donc, de sélectionner parmi les traces et témoignages laissés par les sociétés du passé, le « même » qui nous rassure au dépend du « autre » qui nous dérange. Le propos de Bartolomé Clavero et Michel Foucault, cités par Fecteau, sont aussi pertinents pour nous, communicateurs de l’histoire. Clavéro écrit : « La recherche qui veut connaître un autre temps est incapable d’échapper au sien propre. Son objectif secret et son engagement explicite ont été de lutter contre les effets de miroir et d’éviter que l’histoire ne se réduise à la connaissance du même, se rendant ainsi incapable de connaître l’autre. Mais il se trouve que la traversée du miroir n’a servi qu’à se retrouver soi-même. » (Voir La grâce du don. Anthropologie catholique du monde moderne. Paris. Albin Michel, 1996.) Quand au philosophe Michel Foucault, il lançait ce même défi à sa discipline : « Et si elle ne consiste pas, au lieu de légitimer ce que l’on sait déjà, à entreprendre de savoir comment et jusqu’où il serait possible de penser autrement. ». (Histoire de la sexualité. L’usage des plaisirs, N.R.F., Gallimard, 1984, pp.14-15.)
Cette préoccupation ne doit troubler seulement les spécialistes des sciences humaines, sociales et les philosophes, elle doit aussi être le grain de sable qui, s’insérant de temps de temps dans notre travail d’élaboration de nos projets muséaux, fait grincer la belle machine de communication et de vulgarisation que nous avons mission de faire marcher au profit du public. Pour paraphraser Foucault, reprenant l’expression de Fecteau, nos projets de communication de l’histoire doivent permettre à nos visiteurs et à notre public, pendant quelques minutes, « de se déprendre de soi-même » et ce faisant, de l’hégémonie de leur présent sur leur perception du monde et de leur passé.
Jean-François Leclerc
Historien et muséologue
Musées d’histoire montréalais et histoire nationale : un pudique silence? 18 octobre, 2011
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Photo : – archives Le Devoir
Portrait de Louis-Joseph Papineau, gravure sur bois de Marguerite Giguère (1937)
http://www.ledevoir.com/culture/livres/328821/la-couette-du-tribun
Depuis quelques semaines, un débat anime le monde des historiens. Il ne faut pas s’en plaindre. L’histoire se contente trop souvent le rôle d’amuseur public dans toutes ses manifestations…publiques, justement, entre autres par la magie de nos activités muséales et éducatives. Disant cela, je ne dénigre pas notre travail de vulgarisation de l’histoire, auquel je crois depuis longtemps, malgré ses limites et ses travers. Alimentant le flot des activités déjà nombreuses de la scène culturelle montréalaise, nous devons néanmoins nous rendre à l’évidence : nous œuvrons dans le monde de l’éphémère et du plaisant alors que nos ancêtres muséaux privilégiaient la lenteur et la sèche connaissance.
Les musées ont coupé depuis longtemps le lien étroit qui les liait à leur discipline de base et aux institutions qui en dispensaient le savoir, même si depuis quelques années, un certain rapprochement s’est dessiné. Les institutions muséales du Québec, pour la plupart, ont été créées ou profondément réformées depuis trois décennies tout au plus. La tradition nous importe donc peu, même si on continue de la respecter, en particulier en ce qui touche la mission de conservation et d’éducation traditionnelle. Cette autoréférence des musées et de la muséologie à son propre monde et à notre propre discipline permet de construire peu à peu un domaine professionnel avec ses propres standards et pratiques. l a toutefois l’inconvénient de nous tenir à l’écart des débats qui – plutôt rarement sur la place publique – font discuter les historiens. C’est dommage pour ne pas dire dommageable.
La plupart des musées d’histoire sont soucieux de faire de l’histoire en respectant les standards de la discipline. En cours d’élaboration, cependant, sous la pression du processus trop rapide d’élaboration et des budgets, le besoin de bien communiquer et de plaire l’emporte souvent sur la nuance et le souci de respecter la complexité de l’histoire et de faire état des divergences historiennes. La nécessaire simplification qu’entraîne la communication au plus grand nombre et les débats scientifiques ne vont pas nécessairement ensemble. Ce n’est pas une raison d’y être indifférent. Les musées de science les exposent, pourquoi pas les musées d’histoire?
Le Devoir et d’autres journaux ont publié plusieurs textes opposant les tenants d’une histoire nationale – et politique, qui se plaignent du déclin de cet enseignement au profit d’une histoire sociale et culturelle, et ceux qui défendent ce courant de la discipline qui domine depuis des décennies. Rares sont les historiens formés aux exigences de la « nouvelle histoire » qui n’ont pas été influencés et attirés par cette manière de connaître les sociétés humaines dans toute leur complexité. Les musées d’histoire en grande majorité ont précédé et emprunté cette voie, privilégiant les objets et traces du quotidien aux grands événements et personnages du récit national, qu’il soit canadien ou québécois. Les plus anciens musées montréalais comme Ramezay et McCord avaient été fondés en tout ou en partie sur cette volonté de conserver les preuves de l’épopée nationale et ses héros. Nous n’en sommes plus là.
Cependan t, force est de constater qu’à part les musées nationaux, nos institutions ont tendance à évacuer toute référence à la politique et aux débats qui ont marqué et marquent notre histoire. Recherche de consensus oblige. Est-ce que l’intérêt pour l’expérience humaine au quotidien signifie automatiquement l’absence de perspective collective? Denyse Baillargeon, dans une réplique à Éric Bédard, soulignait que la question nationale est très souvent soulevée par des travaux qui semblent, à première vue, ne porter que sur un sujet culturel ou touchant la vie quotidienne, comme dans un des ses ouvrages, l’évolution de la conception de la maternité et de la natalité (Un Québec en mal d’enfants).
Moi-même, au cours de la recherche sur l’histoire de la Sûreté du Québec (non publiée, malheureusement), je constatais combien les aléas administratifs et identitaires de la. « Police provinciale » tenaient presque toujours à la conception que se faisaient de l’État québécois les gouvernements successifs : de la forte gendarmerie nationale sur le modèle militaire des premiers ministres Pierre-Joseph Olivier Chauveau, Maurice Duplessis et Jean Lesage, aux corps policiers sur le modèle civil ou judiciaire d’autres époques, plus ou moins faibles selon le cas.
Lorsqu’on Centre d’histoire, nous racontons en cours de visite l’histoire des Montréalais, il serait bien difficile de faire une distinction entre les groupes qui ont habité et bâti cette ville. Montréal se présente souvent dans notre récit muséal comme une île, géographiquement parlant, mais aussi socialement, comme si elle n’était pas reliée à la société qui l’a nourrie et développée, que ce soit le Canada ou le Québec. Les colons français deviennent dans ce récit un groupe ethnique parmi d’autres ayant apporté leur contribution puis… au suivant! Le silence sur la/les nations auxquelles elles se rattachent autant que sur les questions que le débat national peut susciter, sont plus facile à passer sous silence qu’à expliquer. Probablement parce leurs échos encore vifs ne permettent pas de l’aborder sans une certaine passion. Ceci n’enlève rien au fait qu’un récit national s’est construit et une nation s’est constituée avec un noyau central, fort, déterminant, à l’identité culturelle forte et reconnaissable, quoiqu’on en pense.
Le musée d’histoire est-il un lieu de réflexion et de questions, même difficiles, ou un simple divertissement intelligent entre une crème glacée et une promenade romantique? Ne pourrait-il pas être les deux?
Jean-François Leclerc
Historien et muséologue
Le musée éducateur, vraiment? 30 août, 2011
Posté par francolec dans : blogue exposition,blogue muséologie,Education,Jeunesse,Richard S.Peter , ajouter un commentaire
Les musées accordent beaucoup d’importance à leur mission éducative. Cette mission est fondamentale, le musée moderne ayant été créé justement à des fins d’émulation et d’éducation (le Louvres suivi de tous ses successeurs.) Mais de quelle éducation parle-t-on? Qu’est-ce qu’éduquer? Je ne suis pas certain que nous nous penchions souvent sur cette question. Nous réfléchissons certes sur la meilleure manière de transmettre les connaissances, chacun dans notre discipline, mais le plus souvent, c’est pour mieux répondre aux exigences des programmes scolaires et nous y adapter, clientèle oblige. Éduquer, pour la plupart d’entre nous, c’est communiquer de manière attrayante un savoir plus ou moins spécialisé – histoire, science, arts etc. Dimanche matin, à l’émission radio Dessine-moi un dimanche, à la Première chaîne de Radio-Canada, deux philosophes répondaient aux questions de l’animateur Franco Nuovo. L’un d’eux, Normand Baillargeon, abordait le thème de l’éducation, à partir de la pensée de Richard Stanley Peter qui, dit-il, a développé dans ses écrits une vision de l’éducation qui a traversé les siècles depuis Platon.
http://www.radio-canada.ca/emissions/dessine_moi_un_dimanche/2011-2012/ Selon Peter, éduquer, c’est transmettre des connaissances qui transforment pour le mieux celui qui les reçoit; c’est transmettre la compréhension de ces savoirs, de manière à permettre à l’apprenant de comprendre le monde et de se mettre en contact avec ce monde et avec soi-même; c’est développer une autonomie d’être et de pensée et une dignité qui rendent libre. L’objectif ultime demeure la création d’une culture commune qui ne soit pas qu’une accumulation de savoirs spécialisés (c’est ce que donne l’école performante adaptée au marché), mais bien l’intégration et la capacité d’établir des rapports créatifs entre ces savoirs.
Le musée d’histoire et de société a tout de qu’il faut pour éduquer dans ce sens-là. Encore faut-il qu’il ne se contente pas de transmettre des connaissances factuelles, comme il le fait le plus souvent avec beaucoup de talent et d’efficacité. Rend-il son visiteur ou l’élève qu’il accueille plus libre, digne, autonome, doté d’un sens critique et capable de relier entre elles de manière créative les connaissances acquises? Cela est loin d’être certain, en dépit de la bonne volonté de tous nos bons éducateurs et animateurs muséaux. Le développement de la liberté de penser exige que l’on soit libre soi-même. Or le musée, soumis à divers compromis et impératifs sociopolitiques, se contente souvent de jouer dans sa zone de confort, celle du tourisme et du loisir intelligent. Au cours des années, en voulant mieux servir ses consommateurs culturels, il a consenti peu à peu à être instrumentalisé par le milieu scolaire et ses exigences, moulant ses activités aux programmes. S’il ne manque pas d’ouvrir les esprits, de donner aux élèves le goût de connaître et leur faire vivre une expérience intéressante (brève, trop brève à mon avis), le musée rend-il ses visiteurs plus libres, critiques et éveillés? Dans le contexte des loisirs qui est désormais le sien, se satisfait-il de les voir retourner chez eux un peu plus contents et satisfaits de leur monde?
Il me faudra bien lire et donner à lire ce M. Peter! Jean-François Leclerc Muséologue
Promenade estivale 3 – Les expositions dans des espaces non muséaux: Espace Création Loto-Québec 22 août, 2011
Posté par francolec dans : "expo quand tu nous tiens",Arts visuels,blogue exposition,blogue muséologie,Collections,Espace Loto-Québec,Exposition , ajouter un commentaireJ’aime bien les expositions qui habitent des lieux non muséaux. Pour moi qui travaille dans une institution muséale, ces lieux inhabituels me semblent offrir un contact plus direct et accessible avec les œuvres. Une promenade estivale m’a amené dans un de ces lieux, Espace Création Loto-Québec. Mais c’est une galerie d’art, me direz-vous! Oui, d’une certaine manière. Pourtant, le public qui fréquente l’édifice en sait probablement peu de choses, la remarquant à peine en se rendant au travail ou en rêvant du gros lot qui changera une vie. Rien des codes muséaux habituels, car l’espace se trouve en retrait, simple ouverture rectangulaire qui, sans la signalisation photographique bien présente, n’attirerait pas l’attention. http://lotoquebec.com/corporatif/nav/evenements-commandites/espace-creation
Le commissaire a choisi une muséographie qu’on voit parfois dans les musées de civilisation ou d’histoire, mais rarement dans les musées d’art. L’exposition Entreprise collective présente les œuvres en grande partie québécoises tirées de collections privées d’entreprises dans un décor réaliste de bureau. Elle est fondée sur une enquête audio-visuelle de Nicolas Mavrikakis sur la constitution de ces collections. Demies cloisons, meubles fonctionnels occupés par la paperasse, les ordinateurs, les stylos et autres objets typiques – tasses, photos de famille. Même le préposé de la galerie se fond au décor avec son bureau semblable aux autres. L’effet est si trompeur que l’ami qui m’accompagnait a d’abord rebroussé chemin, croyant être entré dans un…bureau de grande entreprise!
Si la surchar ge voulue de ce décor écrase un peu les œuvres, son cloisonnement, ses racoins si peu habituels dans les musées permettent de fureter à notre guise et de s’approcher des œuvres au-delà des distances normalement permises, le nez collé sur les vitres s’il le faut (il y a certainement quelques part des caméras tout de même?). Des Suzor‑Côté, Riopelle, Warhol, Pellan, Hurtubise, et de très nombreuses oeuvres d’artistes contemporains ont satisfait mes goûts éclectiques. Le plaisir d’avoir l’impression que tout cela est à notre disposition et nous appartient, ou presque, l’espace de quelques minutes. Avant de retourner malheureusement dans de véritables bureaux où on rêverait presque de travailler.
Jean-François Leclerc
Muséologue
Centre d’histoire de Montréal
Promenades estivales 2 – Les expositions permanentes : Regarder de biais pour mieux voir 25 juillet, 2011
Posté par francolec dans : Arts visuels,Bloemaert,blogue exposition,blogue muséologie,Derain,Exposition permanente,Gainsborough,Histoire de l'art,Matisse,Musée des Beaux-Arts de Montréal,Peschier,Van Mol , ajouter un commentaireLa visite d’une exposition permanente n’apporte pas seulement le plaisir de voir défiler l’histoire de l’art à travers les tableaux d’œuvres grandes ou modestes des grands noms du panthéon artistique occidental. On ne peut se plaindre de voir des Matisse (Portrait au visage rose et bleu), un Picasso (Étreinte), un Karel Appel (Portrait de Sir Robert Read), et plusieurs autres noms bien connus de la révolution artistique du 20e siècle, sans oublier les Hurtubise et autres œuvres de la collection contemporaine ma foi très stimulante de la collection permanente du Musée des Beaux-Arts.
À mon avis, le véritable plaisir d’une fréquentation plus assidue de la permanente est de laisser le regard se perdre, comme ses pensées, dans les fonds des paysages, les détails, la manière, la couleur, la pose et l’expression, toutes choses qui ne se donnent pas à voir au premier coup d’œil d’ensemble, encore moins lorsque les tableaux ou les peintres n’ont pas reçu l’auréole de la sainteté plastique accordée aux vedettes mondialisées du pinceau.
Ainsi, on arrive à retrouver dans un Gainsborough, un coup de pinceau étonnamment moderne (un portrait du 18e siècle dont j’ai omis de noter le titre).
Ou s’ébahir devant la carnation onctueuse d’un christ déposé de sa croix (Pieter Van Mol, La déposition)
Ou s’accrocher aux fins détails du tableau moraliste (Vanité) d’un peintre inconnu (pour moi) du 17e siècle, N.L.Peschier, qui évoque les tableaux hyperréalistes actuels, des collages ou même des installations contemporaines. Ou bien, trouver d’étonnantes correspondances esthétiques entre un tableau baroque d’Abraham Bloemaert du 17e siècle (Rentrée de la moisson) et le célèbre Déjeuner sur l’herbe de Manet (années 1860), tant dans la pose que dans la composition du tableau (je vous laisse en juger).
La gratuité permanente de la permanente, c’est donc la possibilité de se laisser dériver doucement, à répétition, sans obligation de consommer les œuvres qu’on nous donne à voir temporairement et qu’il faut voir absolument, nous dit-on, avec tout qu’on nous en dit. On peut se laisser simplement regarder de biais petits et grands tableaux pour mieux voir, pour se mieux voir, pour nous mieux voir comme société créatrice de modes et chercheuse de nouveautés à tout prix. Parfois, cette nouveauté était déjà apparue, comme figurante, incognito et …de biais.
Jean-François Leclerc
Muséologue
Promenade estivale 1 : Photographier, pour s’approprier une exposition 17 juillet, 2011
Posté par francolec dans : "expo quand tu nous tiens",blogue exposition,blogue muséologie,Commentaires expositions,Droits d'auteur,exposition,Exposition permanente,Musée des Beaux-Arts de Montréal,Photographie , ajouter un commentaireVoilà. Le travail, les projets nombreux (dont Quartiers disparus, et 100 ans d’histoires. Raconte-moi Parc-Extension) ont laissé place aux vacances et à du temps pour, entre autres, visiter les expos des autres, pour laisser aller les idées, les impressions, les réflexions qui surgissent au gré des découvertes.
Plus que jamais, monsieur et madame tout le monde peut photographier tout et rien, à tout moment, sans préparation et, grâce aux téléphones, dans la plus grande discrétion. Pauvres gardiens de sécurité qui doivent exercer leur vigilance jusqu’à la crise de nerf. Tous les visiteurs, aujourd’hui, sont des malfaiteurs en puissance. Pour contenter son goût de souvenirs artistiques, il faut donc jouer au délinquant candide, au risque de se faire apostropher plus ou moins gentiment comme lors d’une exposition rétrospective sur Louise Bourgeois au Centre Pompidou à Paris.
André Derain. Plage de Varengeville. Normandie. Musée des Beaux-Arts de Montréal
http://www.mbam.qc.ca/fr/provenance/oeuvre_262.html
Pour vous et moi, capter (sans flash, évidemment) un tableau, une sculpture ou quelques œuvres ou objet exposé dans un musée est un geste anodin mais important. Cela nous permet de nous approprier un peu de l’œuvre, d’en rapporter un reflet imparfait et parfois même malhabile, de s’en inspirer, de s’en délecter au-delà des murs du musée et dans l’intimité de chez soi, ou encore d’en partager la découverte avec des amis. Quelle meilleure manière de diffuser l’intérêt pour l’art et son histoire.
Pour le quidam sans appareil sophistiqué (la majorité d’entre nous), cet interdit de photographier des œuvres au musée nous rappelle une implacable réalité : une partie des grands trésors de l’humanité sont de propriété privée. Mais comment alors, l’image numérique d’une œuvre prise par un visiteur pourrait-elle affecter de quelque manière le profit que son propriétaire pourrait en tirer? Les droits les plus lucratifs ne sont-ils pas payés par les petits et grands médias, les institutions privées et publiques qui ne pourraient les contourner sans risque pour leur réputation et leurs deniers? Le message de l’interdit vaut-il plus que les intérêts qu’il recouvre : ceci est une propriété privée?
Il ne s’agit pas ici de contester ce fait et les quelques risques réels mais limités de voir diffuser une image captée par un appareil professionnel). Il s’agit d’en souligner l’impact sur l’expérience du visiteur. Comme je le notais dans un blogue précédent sur nos comportements de consommateurs, versus de visiteurs de musée, le magasin a l’avantage d’offrir la possibilité de s’approprier l’objet de ses rêves et de ses désirs (moyennant quelques deniers!). Ce qui n’est pas le cas au musée, à moins qu’on se contente d’une publication, d’une carte postale ou d’une reproduction. Dans tous ces cas, le plaisir de la possession est reporté et se consomme avec un arrière-goût de saveur artificielle. Lors d’une visite au Musée des Beaux-arts de Montréal en compagnie d’un ami qui n’apprécie par particulièrement la mode , je lui ai proposé de voir la collection permanente. Bonne idée. J’ai réalisé que le musée procédait à une rotation des œuvres, et surtout, qu’il avait intégré à sa collection des œuvres prêtées…qu’il était permis de photographier!!! Dire que je me contorsionnais pour passer inaperçu. Me voilà comblé et enfin possesseur de mes coups de cœur. Suite au prochain blogue!
Jean-François Leclerc
Muséologue
Décoder le murmure des villes : London en Ontario 14 avril, 2011
Posté par francolec dans : "expo quand tu nous tiens",Déclin urbain,Histoire locale,Interprétation des villes,London,Ville , ajouter un commentaire
Le Centre d’histoire a pour mission de donner des clés de compréhension de la ville. Mais quelles clés, en fait, sont-elles nécessaires? Pour un Montréalais de naissance comme moi, la réponse n’est pas si simple, car comme mes concitoyens, je n’ai pas besoin de la décoder. La ville, c’est mon quotidien, mon travail et mes loisirs, mes relations. Ma ville est donc plus celle que je vis que celle que je vois. Mon quotidien lui donne une apparence de sens, de globalité, indépendamment de la réalité géographique et physique de mon parcours. Comme citadin familier avec mon environnement urbain, rien ne m’y semble vraiment aberrant ou incompréhensible. J’assistais cette semaine à un congrès de l’Association des musées canadiens à London, en Ontario, où on nous décernait le prix Excellence en éducation, pour notre activité Vous faites partie de l’histoire, destinée aux adolescents, nouveaux arrivants, en classe d’accueil et de francisation. Le thème : Évoluer ou disparaître, au titre plus provocateur que le congrès lui-même. (Je baigne trop dans les questionnements muséologiques pour être impressionné, dois-je avouer!) À London, comme étranger dans une ville inconnue, j’ai vécu ce que vivent probablement bien des étrangers et touristes de passage à Montréal et dans toute ville. D’abord, les images préconçues : on s’attend à une petite ville ontarienne, au passé très, mais très britannique. On s’attend à y trouver le style victorien, une population blanche et plutôt réservée, sans coquetterie particulière. C’est vrai… c’était vrai, ça l’est encore un peu, tout dépendant de ce qu’on veut voir et remarquer. Une fois sorti de la gare, en ce printemps frileux, en marchant vers l’hôtel, puis lors de promenades dans le centre-ville, London en son centre nous lançait pourtant des messages tout à fait contradictoires, déroutants, un peu tristes, comme toutes les villes nord-américaines jadis en déclin et modernisées sans vision peuvent le faire. Peu de bâtiments victoriens au centre, mais des terrains vacants, des stationnements et des édifices utilitaires qui les ont remplacés, des centres d’achat, hôtels, tours à bureau et d’habitation sans charme, ni beaux ni laids, neutres. Ici et là, quelques imposants édifices institutionnels de pierre taillée construits au milieu du 20e siècle, entourés de grands terrains gazonnés, de grandes avenues que rien ne semble justifier à première vue. Des vides, des vides, des vides, et des bâtiments hétéroclites entre les vides, quelques parcs sans personnalité jusqu’à un quartier de belles et grandes demeures à l’anglaise qui surgit tout à coup.
Le règne de Victoria qui a tant marqué les débuts de la ville peuplée par des colons et des soldats britanniques, n’est plus. À sa place, un espace hybride, fait de placide beauté et de désolant abandon, qui ne semble plus tenir compte ni de l’histoire et de la logique de son développement, ni de sa topographie. On ne sent plus le développement organique, du centre vers la périphérie, mais une désorganisation imposée, mélange de fatalité économique, politique et de mauvaise planification urbaine. Combien de villes en ont pâti…Le bâti de London me paraît comme un mélange un peu désordonné de la sévère supériorité classique des bâtiments gouvernementaux d’Ottawa ou de Québec, de la coquetterie rouge brique de certaines petites villes industrielles à l’anglaise, comme Saint-Jean-sur-Richelieu, de l’environnement sans âme de l’urbanisme de centres d’achat de Sainte-Foy, de la froide modernité du campus de l’université Laval à Québec, et enfin, des zones déstructurées de Montréal comme certains coins de Pointe-St-Charles, de la petite Bourgogne ou de Saint-Henri. Beau mélange!
Comme dans toutes les villes, ce sont les habitants qui donnent aussi le ton, malgré tout. Ici, par les rares contacts, j’ai senti qu’ils sont cordiaux et vous font sentir un peu moins étranger (c’est d’ailleurs ce que me disait une serveuse d’un restaurant indien venue de New Delhi à London : ici, les gens nous connaissent, nous saluent, ne nous traitent tels des étrangers comme à Toronto…). Ces impressions vraies ou fausses provoquées par le paysage urbain du centre-ville et les premières rencontres sont pour bien des voyageurs le murmure presque incompréhensible de la ville. Sans interprètes pour le comprendre, il peut donner lieu à bien des méprises. En exprimant mon étonnement à une congressiste originaire de cette ville et en glanant quelques informations ici et là, ces murmures se sont transformés en mots. La ville a souffert du départ de quelques industries majeures (comme Kellog’s, attirée jadis par le bas prix du sucre au Canada), du développement des centres d’achat de banlieue qui ont tué les rues commerciales (rappelez-vous de la charge de Dédé Fortin et des Colocs contre eux), d’une négligence parfois volontaire de son patrimoine (des incendies criminels), d’une absence de planification urbaine. (Heureusement, il semble qu’un comité d’urbanisme ait été mis sur pied et qu’une société d’histoire bataille ferme pour préserver ce qui reste.) Cette expérience commune à tous les voyageurs me donne une belle piste pour aborder dans notre centre d’interprétation de la vie urbaine. Pourquoi ne pas amorcer la découverte de nos visiteurs en leur faisant dévoiler leurs perceptions, afin de mieux dénouer leurs vérités et faussetés, une à une, jusqu’au noyau dur de l’identité de la ville?
Jean-François Leclerc
Muséologue
Cher Pierre, altermuséologue 30 mars, 2011
Posté par francolec dans : blogue muséologie,écomusée,MINOM,Pierre Mayrand , ajouter un commentaireTu étais pour plusieurs déjà un souvenir, tu es aujourd’hui une poussière d’étoiles qui scintillent dans le cœur et l’esprit de tes amis et collègues. La maladie t’a emporté, mais tu la vivais comme si elle n’existait pas. Courageux, même si tu n’aurais pas aimé qu’on te le dise. Tu souffrais de n’être plus la fougue incarnée de ton passé, un passé dont j’ai entendu parler mais dont les fruits sur cette terre québécoise étaient bien trop discrets pour qu’on te les attribue. La Portugal de ta dulcinée t’avait écouté, respecté, ouvert des territoires d’expérimentation qui t’ont permis de poursuivre une œuvre, une pensée ici fondue dans la pratique muséologique commune.
Don Quichotte, comme le disait un de tes collègues venus te rendre hommage ? Prophète dans le désert à la parole idéaliste, comme je te l’avais dit à l’occasion ? Certainement, ton audace parfois sans lendemain, tes appels écrits au dépassement muséologique et récemment, à l’altermuséologie, étaient des cailloux lancés au monde muséologique international et québécois qui pour diverses raisons, se contente parfois de ses indéniables acquis.
Au début des années 1990, j’avais découvert dans le cadre de ton cours sur les nouvelles muséologies, que le musée et ses outils de communication pouvaient être au service de la population et pas seulement d’un marché touristique et culturel. Tu étais un peu brouillon Pierre, et pas toujours un bon communicateur, mais tu arrivais à convaincre par ton honnêteté et ton exemple.
Plusieurs années s’étaient écoulées avant qu’on se revoie au cours des années 2000 dans le contexte du défunt Forum québécois du patrimoine. Déjà touché par le sournois désordre cellulaire qui t’emporta, mais bien déterminé, tu avais continué de collaborer et de détonner avec plaisir. Peu à peu, tu m’as convaincu de me rapprocher du MINOM et de participer, de loin, à sa réflexion et à quelques rencontres internationales. Ce n’était pas pour moi évident, car je conservais de la muséologie sociale une image très engagée, radicale même, dans laquelle ni mon institution ni ma pensée ne correspondaient tout à fait. Le contact avec toi fut ponctuel, pas soutenu, mais suffisant pour entretenir la conviction que tu incarnais, que le musée pouvait jouer un rôle social et avoir un impact sur les citoyens. Tu portas sans fléchir ce message malgré plusieurs déboires personnels et professionnels, avec une reconnaissance répétée de collègues partout dans le monde.
Comme d’autres collègues, j’ai été invité au Portugal où tu demeurais et travaillais une partie de l’année. J’ai partagé un peu de ton quotidien, échangé avec toi et ce faisant, plus ou moins consciemment, mieux campé mes propres valeurs muséologiques, à la fois en harmonie et éloignées des tiennes. J’ai appris à mieux te connaître, au point de pouvoir te parler franchement et même, à certains moments, à te reprocher de ne pas écouter suffisamment. Comme d’autres, je t’ai accompagné lors de ta rechute des Fêtes 2009-2010, où tu as failli faire ses adieux au monde. Tu as survécu, renaissant encore à tes rêves, à ton goût d’écrire, de partager ta vision. L’automne dernier, grâce aux efforts de René Binette de l’Écomusée du fier monde et de René Rivard, de Cultura, ta candidature avait été présentée pour le prix Carrière, que tu as reçu, pour la plus grande joie de tes collègues et amis. Une reconnaissance ultime de ton propre pays québécois que tu attendais depuis longtemps.
J’aurais aimé te revoir, avant ton départ ultime. Tu as voulu vivre les derniers moments avec tes proches. Nous ne savions même pas que tu étais revenu à Montréal. Tu seras là désormais par tes écrits, les souvenirs, et des rencontres qu’il faudra bien organiser autour de ta vision. Le courant de pensée que tu représentais touche beaucoup de muséologues, ici et ailleurs. Mais qui incarnera désormais cette parole ?
Au revoir, Pierre.
Jean-François
Muséologue